Immersion en terre africaine
« On ne revient pas indemne d’une telle rencontre avec l’Afrique, un peu de nous reste là-bas pour toujours. »
Grégoire Schmidt
Quand on prononce le mot Afrique, on a tous des images qui nous frappent l’esprit et qui défilent. Mais comment décrire sa magie à quelqu’un qui ne l’a jamais vécue ? Comment expliquer la fascination de ce vaste et poussiéreux continent, que ce soient la savane et sa faune, les éléphants, les lions, les pistes ocres, le sable de ses déserts, les couleurs chatoyantes des boubous africains, les peuplades primitives, la pauvreté, la famine et les guerres.
Et les sourires surtout.
Comme dans toutes les plus belles histoires, le « hasard » n’est souvent autre qu’un « rendez-vous » que la vie a pris pour nous.
« L’aide aux enfants orphelins en Afrique était un projet en court de construction chez moi...
Quand un de mes amis proches me raconta au détour d’une discussion qu’il devait trouver une solution rapide pour sauver l’orphelinat que ses parents avaient créé au Bénin, ce fut le choc ! Yvan Schmidt et moi on se connaissait très bien l’un et l’autre, depuis longtemps, et pourtant nous n’avions jamais parlé de cette Terre d’Afrique...
Et oui, si nous portions le même nom sans être de la même famille, nos destins étaient pourtant déjà liés... »
Il y a une vingtaine d’années, les parents de mon ami Yvan, Yvonne et Sylvio Schmidt avaient accueilli un jeune africain chez eux, en Suisse. Le jeune homme leur avait alors fait part de son projet de créer un orphelinat
chez lui au Bénin. Lui-même orphelin, il souhaitait aider et offrir à ces enfants un environnement sécurisé avec les meilleures bases possibles pour construire un avenir plus sûr, plus juste et plus humain. Sensibilisés à cette noble cause, Yvonne et Sylvio décident alors de se joindre à lui dans ce projet du cœur.
Pas de riches mécènes. Non, juste de belles personnes nourries du désir d’aider les plus faibles. Ils mobiliseront leur entourage, arpenteront les vide-greniers et autres marchés pendant des années, vendant de petites choses devenues inutiles ici, et finiront par récolter au fil du temps, une somme leur permettant de lancer les premières bases du projet. Ayant pour eux le temps offert par la retraite, ils se rendent alors sur place, au Bénin, plusieurs fois pendant plusieurs années.
Electricien de formation, le père d’Yvan supervisera les travaux et l’orphelinat verra le jour en 1999 dans la banlieue de Cotonou, la capitale du Bénin.
Parti de « rien », porté par une énergie incroyable, le projet grandira fort vite. Après la création de l’orphelinat qui accueille à ce jour une centaine d’enfants, l’ONG EDEN élargit ses activités en créant une école pour plus de 700 élèves, recevant un enseignement de grande qualité basé sur le système éducatif français. Suivra, quelques années plus tard, l’ouverture d’un dispensaire profitant en priorité aux orphelins mais également aux familles des villages voisins.
« Nous nous pensons trop souvent comme de simples individus, séparés les uns des autres, alors que nous sommes connectés et que ce que nous faisons affecte le monde entier. Quand on fait le bien, ça se répand; c’est pour toute l’humanité. »
Desmond Tutu
À quelle vie peut rêver un petit orphelin dans un pays comme le Bénin quand on sait que le trafic d’enfants, ou encore d’organes, y est présent. Des enfants abandonnés par manque criant de moyens, souvent exploités sexuellement, grandissent dans une insécurité permanente. Être un orphelin au Bénin, cela équivaut très souvent aussi à devenir un enfant esclave dans une famille locale. Les chances d’une vie décente sont donc infimes...
Leur ouvrir la porte d’un orphelinat, c’est les sauver, les protéger, les nourrir, les éduquer, les instruire, leur donner de l’amour, pour leur offrir ainsi les moyens de se construire individuellement jusqu’à leur majorité, âge auquel ils doivent quitter l’orphelinat pour vivre leur vie d’adulte.
« Umuntu ngumuntu ngabantu », proverbe qui, dans notre langue dirait : « Je suis ce que je suis parce que vous êtes ce que vous êtes », ou d’une manière plus littérale : « Je suis ce que que je suis grâce à ce que nous sommes tous ».
Ce que je connaissais de l’Afrique de l’Ouest avant mon premier voyage au Bénin se résumait aux paysages de cartes postales et aux récits de ceux qui avaient foulé une partie de cette Terre, plus à l’Est, en plein désert, très loin des circuits touristiques.
La réalité, une fois sur place, c’est que la chaleur et les sourires des enfants dépassent tout ce qu’on peut imaginer. On voudrait pouvoir faire tellement pour eux et surtout, tout de suite. Aider, à une échelle même infime, représente beaucoup pour ceux qui n’ont rien. Donner une parcelle de ce que nous autres, occidentaux, avons en abondance.
Les Africains sont dans l’instant présent. Ce dont ils disposent, ils l’utilisent de suite pour vivre, survivre... Sans plan ni stratégie, ils appréhendent la vie au jour le jour. Avec du même coup, des enjeux de développement qui deviennent très compliqués. Ils n’ont pas les mêmes méthodes de travail, la même notion du temps... Sur place c’est à nous de nous adapter à eux, de nous caler sur leurs codes pour réussir à les aider à s’aider eux-mêmes.
Là-bas on est porté par une énergie exceptionnelle ! Un vrai pied de nez à la morosité que nous connaissons actuellement en Occident. Il suffit de regarder les femmes en boubous, les sourires, les danses, l’énergie d’une jeunesse qui cherche à développer son avenir... Les Africains sont généreux et bienveillants. La main sur le cœur, ils avancent ainsi en faisant confiance en la vie.
Avec des valeurs bien souvent similaires aux nôtres mais avec des priorités et des besoins différents, ils nous offrent l’opportunité de grandir. « Étant parent moi-même, je souhaite pouvoir transmettre à ma fille ces valeurs humaines en lui faisant remarquer au quotidien l’abondance dans laquelle nous vivons ici. L’Afrique vous change pour toujours, comme nulle part ailleurs. On n’en revient jamais le même... »
Il y a clairement un « avant » et un « après » une telle immersion en terre africaine.
« L’Afrique on l’aime ou on la déteste. Comme s’il n’y avait pas vraiment d’entre deux. Je l’ai aimée au premier regard et c’est tant mieux car mon engagement pour les enfants orphelins était déjà pris. »
Grégoire Schmidt
Source des photos : Raphaël Glauser