Art & Culture / 7 minutes de lecture

ECAL / École cantonale d’art de Lausanne, Là où émergent les jeunes talents

La réputation de l’ECAL n’est plus à faire. Elle a fêté ses 200 ans et figure désormais parmi les meilleures hautes écoles d’art et de design dans le monde. Les étudiants viennent y développer leur plein potentiel et exprimer leur créativité. Ici émergent les talents de demain. Rencontre avec Alexis Georgacopoulos, directeur de l’ECAL.

 

Originaire d’Athènes, diplômé de l’ECAL en design industriel et successeur de Pierre Keller à la direction de l’école depuis 2011. Votre implication dans des projets et collaborations d’envergure a contribué au développement du design industriel, l’un des départements phares de l’ECAL. A qui s’adresse votre école?

L’ECAL offre à ses étudiants la possibilité de se former aux divers métiers créatifs. Des formations bachelor ou master en design, arts visuels, cinéma, photographie. Mais dans notre domaine qui est artistique et créatif, il ne s’agit pas uniquement de compétences; si un talent hors du commun est décelé – même sans les titres usuels exigés – un accès à la candidature peut être accordé. Dans le monde actuel extrêmement normé, cette ouverture d’esprit me tient particulièrement à cœur. Notre école s’adresse surtout à celles et ceux pour qui la créativité est l’essence même de leur vie. Des personnes passionnées, talentueuses et curieuses, assidues au travail également, car si les idées créatives tombent parfois du ciel, il faut encore pouvoir les développer. Notre tâche est de déceler un potentiel et permettre sa maximisation avec des enseignants qui sont aussi des professionnels du terrain avec une pratique de haut niveau dans leur discipline respective. Ils affutent les esprits, injectent leur savoir dans les différents cours et départements de l’école et donnent le pouls sur l’évolution de ces métiers. Notre but est de permettre aux élèves de quitter le cercle confortable et protecteur de l’école au terme de leur formation, avec des connaissances pratiques et théoriques, un réseau formé des enseignants, entreprises et partenaires mais aussi des synergies entre étudiants des divers départements, pour se réaliser à une échelle plus grande.

 

Pierre Keller a marqué l’ECAL de son passage. Difficile de ne pas le citer.

Effectivement, Pierre a poussé l’ECAL à se tourner vers l’extérieur, à ne pas être une école qui se contenterait d’enseigner, mais bien de la transformer en une institution qui s’expose à tout niveau, acceptant de prendre des risques, allant vers les autres et les faisant venir ici. Il disait toujours «Nous sommes à Lausanne, difficile de régater contre Paris, Londres ou Milan. S’il existe certes ici une communauté créative, elle reste proportionnelle à la taille de la ville et il faut donc aussi aller chercher des talents en dehors de notre périmètre.» A une époque où tout était à créer, sans internet, mails ou réseaux sociaux, il fallait oser se lancer et il ne s’en est pas gêné! Au culot, il est allé littéralement frapper aux portes. Pierre était à lui seul une image de communication: extraverti et provocateur, visionnaire et sans peur de dire. Il a joué de sa notoriété pour faire connaître l’ECAL d’alors et petit à petit un engouement s’est créé. Par l’envergure et la qualité des travaux présentés dans des grands lieux d’exposition comme le salon du meuble à Milan, ou encore la maison européenne de la photographie à Paris, il a fait en sorte d’étendre la renommée de l’école et a su susciter l’intérêt tant des étudiants et enseignants, que des partenaires potentiels. Aujourd’hui, certaines choses que Pierre Keller a faites ne seraient tout simplement plus possibles ou acceptables, mais au sein de l’école demeure bel et bien un état d’esprit qui était le sien: cette volonté de bien faire, sans compter les heures, ce côté fonceur, jusqu’au-boutiste et tourné vers l’extérieur.

 

Que peut-on dire des grands changements traversés par l’ECAL?

La mouvance est toujours la même mais le contexte lui, est très évolutif. Si la qualité d’enseignement n’a jamais fait défaut, les techniques, les moyens, les possibilités offertes ou encore l’infrastructure ont bien changé: les deux anciens sites qui abritaient 150 étudiants ont été abandonnés en 2007 pour le bâtiment actuel accueillant désormais quelques 600 élèves, avec de nouveaux programmes dont la formation master qui compte à elle seule 150 étudiants. L’ECAL est passée en quelques années d’une petite école cantonale à une école de réputation internationale. Et si au niveau Européen nous restons une petite structure, cela nous donne plus de souplesse et nous permet de connaître nos élèves, sans nous fondre dans une masse anonyme. Notre volonté n’est pas de nous agrandir davantage mais bien de pouvoir privilégier la qualité versus la quantité. Dans certains programmes comme la division cinéma, seule une dizaine de diplômés bachelor sortent chaque année. Suralimenter un secteur qui ne saurait absorber les talents sortants serait contreproductif et c’est aussi le rôle de l’école d’agir de manière responsable. Garder une certaine cohérence et un baromètre des métiers, permet de garantir l’employabilité future de nos diplômés sur la scène artistique.

Et qu’attend-on d’un directeur d’école d’art de nos jours?

La tendance actuelle veut malheureusement que les directeurs d’école ou d’entreprises aient de moins en moins de liens avec la substance même de leur activité. On pourrait donc être directeur d’une école d’art sans aucun trait d’union avec le milieu artistique. Pour rester crédible, j’estime pour ma part qu’il est important d’avoir une certaine analogie et une bonne connaissance du terrain. Travailler de concert avec nos responsables de départements spécialisés dans leur domaine spécifique permet également de garder une vision globale des diverses disciplines enseignées, des acteurs principaux du secteur, des tendances actuelles ou encore des institutions ou événements qui comptent.

Les challenges de l’ECAL pour le futur?

D’un côté il y a l’évolution de la société, des métiers enseignés, et de l’autre le positionnement de l’école. Aujourd’hui il faut pouvoir se projeter vers ce moment où les étudiants quitteront le nid. Anticiper leurs besoins et pouvoir proposer encore plus d’outils pour évoluer dans le monde professionnel. L’ECAL jouit toujours de cette réputation d’école exigeante au niveau de l’investissement personnel, tant pour les étudiants que pour les enseignants. Cette notion de «travail» est mise à l’épreuve de nos jours. Surtout lorsqu’il s’agit de métiers qui s’apparentent plutôt à des vocations ou des «raisons d’être». Comment faire comprendre cette subtilité à une génération priorisant l’épanouissement personnel? Une problématique complètement dans l’ère du temps. Et s’il revient aux écoles d’enseigner un métier il faut aussi pouvoir motiver et accompagner les élèves. Un métier exercé par passion est un vrai luxe! Lors des séances de rentrée, j’aime le rappeler à nos étudiants. Des étudiants qui – on l’espère toujours – ont choisi d’être là par conviction, et non pas en s’imaginant que les études d’art sont plus faciles ou moins exigeantes en termes de travail. Ils risqueraient d’être déçus!

 

L’ECAL affiche de belles collaborations: avec Jean-Paul Gauthier tout récemment ou encore la marque de chaussures de course On...

L’école est connue pour avoir un ancrage solide avec le monde professionnel et nous avons la chance de partager de belles collaborations avec de grandes marques ou institutions. Les étudiants se retrouvent au cœur de vrais projets professionnels qui dépassent bien souvent nos frontières, avec une visibilité sous forme d’expositions, de productions ou de communications. Toutes les écoles n’offrent pas cette confrontation au monde professionnel qui attire d’ailleurs beaucoup de candidats. Une fabuleuse ouverture pour leur avenir artistique.


Plus d'informations sur : ecal.ch