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CHRISTOPHE MARET, Président de la commune du Val de Bagnes

A la tête de la quatrième plus grande commune de Suisse avec une surface de 302 km2, non moins de 26 villages et hameaux, 10'200 habitants et quelques 65 nationalités différentes, Christophe Maret ne manque pas de défis. Cet entrepreneur pragmatique est avant tout un homme proche des gens, fédérateur et acquis à la cause commune. Le président de la commune du Val de Bagnes nous parle des projets qu’il soutient et des enjeux de demain.

Christophe Maret, aux commandes d’une des plus grandes communes de Suisse, vous êtes un véritable chef d’orchestre devant une partition pas toujours facile...

La commune du Val de Bagnes, par sa taille tout d’abord, est un peu comme une ville à la montagne. Si le territoire est vaste, il est aussi de toute beauté. Vivre dans pareil décor, entouré de nature et de sommets majestueux, est un privilège. Les villages et hameaux qui constituent notre commune ont su garder ce charme et cette authenticité qui séduisent tant aujourd’hui. On ne peut toutefois pas rester sur ces acquis et il nous faut continuer à tout mettre en œuvre pour maintenir la longue tradition touristique sur laquelle s’est construite notre réputation, grâce notamment à la notoriété de Verbier. Cependant, il n’y a pas que Verbier dans notre commune. Si la jeune génération plébiscite toujours la station, on peut observer un changement d’attitude dans la tranche des 50-60 ans qui viennent s’établir dans la région. Aujourd’hui, on sent un véritable attrait pour d’autres villages avoisinants tels que Sarreyer ou le Levron par exemple, avec une envie de se tourner vers un tourisme plus doux peut-être, tout en continuant de profiter des atouts qu’offre Verbier. Depuis le Covid, les gens se déplacent davantage encore à la montagne et avec l’essor du télétravail ou une forme de nomadisme digital, ils sont plus libres de prolonger ne serait-ce que leurs weekends.

Avec Verbier Tourisme, vous travaillez sur une stratégie commune pour développer au mieux Verbier et sa région. Un défi de taille?

Pour permettre à nos concitoyens et à nos hôtes de s’épanouir au mieux sur notre commune, une offre adaptée aux besoins de chacun doit être proposée. Ceci nécessite non seulement des moyens mais aussi de la coordination. Dans le secteur du tourisme, nous sommes tributaires des saisons (avec un nombre d’habitants différant selon les périodes), de la météo, des vacances scolaires, des événements extérieurs organisés dans la commune, etc... Ce sont autant d’éléments et de paramètres à prendre en compte et à coordonner. Pour ce faire, nous avons décidé de mettre en place un Master Plan Tourisme, sorte d’observatoire du tourisme ou document qui référencie une stratégie collective pour le développement touristique, invitant les acteurs du secteur, mais aussi des associations comme l’APCAV ou les Amis de Verbier à identifier les enjeux et encourageant ainsi une certaine cohérence et coordination dans l’avancée des projets.

La capacité hôtelière notamment, fait partie de nos grandes préoccupations: on constate un manque énorme au niveau des lits hôteliers sur la commune et on se heurte effectivement à un problème global de financement. Nous devons trouver une voie avec l’aide de Verbier Tourisme également, car le développement économique de la station et de la commune dépend grandement de l’offre hôtelière. Plus il y aura de lits hôteliers, plus nous pourrons développer un tourisme quatre saisons. Nous aimerions pouvoir «lisser» l’année avec une continuité de dix mois au moins à contrario d’aujourd’hui avec une station «vivante» les seuls mois de haute saison. Un programme événementiel plus dense et plus varié pourrait alors combler les périodes creuses et générer plus de nuitées durant ces mois-là. On sait déjà que le monde attire le monde. Quand Verbier ou la région proposent des événements, la clientèle des chalets se montre volontiers présente. On doit cependant pousser la réflexion plus avant encore: faire venir les propriétaires de chalets plus souvent et plus longuement mais également attirer les amis de ces mêmes propriétaires et les personnes souhaitant découvrir notre région. Pour atteindre cet objectif, il nous faut un parc hôtelier à la hauteur de ces ambitions. Pour accueillir ou organiser des events d’envergure, qui aujourd’hui déjà ne manquent pas (Verbier Festival, Freeride World Tour, Jumping, Tour des stations, Spartan, Palp, pour ne citer que les exemples des plus importants), notre capacité hôtelière n’est vraiment pas suffisante. Il faudrait que des hôtels soient ouverts toute l’année. Les grandes chaînes hôtelières ont un vaste réseau et font un marketing dynamique en proposant des offres, des events, ou encore en organisant des séminaires afin de pouvoir rester ouverts une dizaine de mois par an. Et de notre côté, nous devons impérativement pouvoir offrir à la clientèle un nouveau centre de station plus attractif, plus animé, plus convivial et plus simple d’accès (avec notamment la création de parkings supplémentaires).

Mais dans cette logique, nous devons aussi nous soucier d’accroître la capacité de logements pour les travailleurs et saisonniers, qui aujourd’hui fait cruellement défaut. Voire aussi le développement de résidences touristiques pour aller dans le sens de la LRS (Loi sur les résidences secondaires).

La mobilité est au cœur de l’actualité du Val de Bagnes, notamment avec le projet de métamorphose du quartier de Curala?

La mobilité est un sujet qui nous touche tous. La taille de notre territoire communal m’a fait prendre conscience très rapidement des enjeux concernant son accessibilité. Pour moi il est fondamental que les transports proposés puissent permettre de rallier la plaine à la montagne via la ligne ferroviaire mais également de coordonner au mieux les autres moyens de transport, que ce soit la voiture, le bus, le vélo ou les remontées mécaniques.

Au village du Châble, le site de Curala se dessine en tant que pôle principal de transport du Val de Bagnes. La commune a décidé de valoriser cet emplacement stratégique afin d’y développer des activités, des services ainsi que des «lits chauds». Ce projet contribuera à l’essor économique et à la prospérité de la Commune et il répondra aussi aux besoins de la population et des visiteurs avec une politique de transport dynamique, multimodale et responsable. C’est un véritable hub qui va se construire ici. Si en termes d’accessibilité Verbier est idéalement située, actuellement l’arrivée à la gare du Châble pour se rendre en station par la télécabine avec des valises par exemple, n’est pas pratique du tout. C’est l’une des problématiques qui a été identifiée dans nos études. La réalisation de ce hub sous la forme d’un bâtiment qui reliera les différents modes de transport permettra de fluidifier les parcours et de distribuer les flux entre la gare ferroviaire, la gare routière, le futur parking souterrain Curala, celui de Saint-Marc et les remontées mécaniques. Il améliorera ainsi le confort des usagers du secteur et des riverains souhaitant rallier Bruson ou Verbier. Le projet d’aménagement en matière d’urbanisme, de mixité, de mobilité, d’espaces publics et de durabilité est exemplaire. On peut d’ailleurs relever que la vision de la commune du Val de Bagnes se projette dans une action durable.

Parlons un peu de cette durabilité qui fait aussi partie de vos priorités...

Sensibiliser la population à la durabilité est l’un des axes principaux de notre programme de législature. La durabilité n’est pas que d’ordre écologique, elle peut également être d’ordre social ou économique. A cet effet, nous avons créé au sein de l’administration communale, un groupe de travail «Durabilité» et avons mandaté la Fondation pour le développement durable des régions de montagne (FDDM) afin de nous accompagner dans cette démarche. Grâce à l’évaluation qui a été faite, la commune dispose aujourd’hui d’une image plus claire de ses forces et faiblesses et des points sur lesquels il faudrait agir. Plus concrètement, la commune soutient déjà un certain nombre de démarches dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie ou en faveur de la jeunesse et des 3 et 4ème âges.

Un autre projet prometteur dans ce domaine est celui du Pôle d’innovation BlueArk Entremont créé en 2018 par les communes du Val de Bagnes, de Sembrancher et de Bovernier, en collaboration avec The Ark, la Fondation pour l’innovation en Valais. Basé au Châble et dédié à l’innovation dans le domaine de l’eau et des ressources naturelles, BlueArk Entremont a pour vocation de faire dialoguer et travailler ensemble les PME, les start-up, les instituts de recherche et les collectivités publiques. Il vise à sensibiliser les acteurs territoriaux aux enjeux liés à l’eau et au changement climatique. D’ailleurs en septembre dernier, un BlueArk Challenge a été lancé pour la 3ème année consécutive, avec pour objectif de récompenser des idées d’innovations dans la gestion de l’eau.

Un exemple concret avec l’irrigation des prés: pour ne pas juste arroser «tant qu’il y a de l’eau», des capteurs avec connexion satellite ont été placés dans des endroits tests de la région d’Entremont afin de déterminer si les prés sont suffisamment irrigués. Cette solution permet de ne pas gaspiller l’eau en essayant d’apporter une plus-value à cette denrée qui devient toujours plus rare et chère, même chez nous.

L’objectif global est de susciter l’intérêt, de déclencher une réflexion, d’inviter les personnes qui ont des connaissances, des compétences, des idées, des moyens ou un réseau, à s’investir dans des projets de mobilité ou de durabilité, tout en œuvrant pour leur commune. Si nous voulons faire bouger les choses, nous nous devons de marcher main dans la main avec tous les acteurs de notre région.

D'ailleurs dans cette optique de proximité avec les citoyens, comment maintenez-vous une certaine cohésion sociale entre Verbier et les différents villages de la commune?

Maintenir cette proximité et lier les gens de la vallée à ceux de Verbier dans une cohésion sociale est fondamental pour pouvoir avancer. Si nous faisons tous partie de cette grande commune, on ressent toutefois deux mondes différents entre «ceux d’en bas» et «ceux d’en haut». Cette différence existe depuis toujours et il est de notre devoir au niveau communal, de définir les besoins de chacun, tant pour les concitoyens «locaux» que pour ceux venus d’ailleurs.

Les mentalités ont elles aussi évolué ces dernières années. Les villages aux alentours de Verbier se développent et séduisent par leur authenticité et un côté plus atypique peut-être. Les produits du terroir et l’artisanat sont mis en avant et se doivent de l’être toujours davantage avec le soutien de la commune également. Pour exemple, Bruson s’ouvre aux artistes avec son PALP Festival qui valorise la culture et le terroir, Sarreyer invite ses habitants autour du four banal du village pour la cuisson du pain traditionnel mais également pour des soirées pizzas. Dans cette quête d’authenticité et de rencontres, les gens de Verbier se mêlent de plus en plus à leurs «voisins». C’est un très bon signal qui nous encourage à développer ces opportunités d’échanges et de rencontres au service de la cohésion sociale de notre commune.

En station, les infrastructures doivent encore être améliorées pour attirer du monde et donner l’envie de rester à ceux qui sont venus s’y installer. La reconstruction du futur centre sportif de Verbier par exemple, est un projet majeur pour le développement touristique de la commune et de la destination. Il ne s’agit pas seulement d’une rénovation et d’un agrandissement de l’ancien complexe sportif. Nous avons imaginé un tout nouvel espace de détente, en adéquation avec les nouvelles attentes et les nouvelles tendances. L’objectif est d’offrir aux utilisateurs un lieu agréable et convivial où croiser du monde, générer des interactions sociales et même y travailler. Permettre aux gens de se retrouver dans un hub de rencontres informel où les centres d’intérêts convergent.

Au sein d’une commune, la liste des projets n’est jamais figée. Tout se joue dans la temporalité. Certains objectifs sont déjà atteints, d’autres sont en cours de réalisation ou évolueront dans le temps. Ce qui est certain, c’est que nous avons tous les atouts en main pour faire de notre magnifique région, un lieu de villégiature, une terre d’accueil tournée vers l’avenir. Et pour ce faire je peux compter sur des équipes motivées, collégiales et visionnaires, que ce soit le Conseil municipal ou l’ensemble des employés de l’administration municipale que je profite de remercier, ou encore le Conseil général qui remplit très bien le rôle qui lui incombe et sur lequel nous pouvons réellement nous appuyer. La Commune dispose d’un réel plan de législature dont la vision s’inscrit dans l’agilité, mais aussi la transition vers une plus grande digitalisation en lien avec le développement de la cyberadministration. Les premiers résultats sont là, puisque nous avons obtenu les certifications ISO 9001 – 14001 et Valais Excellence récompensant déjà les premières mesures mises en place et nous encourageant à maintenir ce cap pour le futur.